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ANONYME LAMBDA
C’est un petit Lambda de la France d’en bas,
Impuissant, fatigué, de ceux qu’on ne voit pas.
Il était un petit, un tout petit Lambda,
Comme toi, comme moi, très moyen, anodin,
Sans histoire, enfin, bref, comme un mec normal, quoi,
Ce passant dans la rue, inconnu, ce voisin.
Il en fallut bien peu. De l’incident, mineur,
Du moins pour les faiseurs d’un conflit de papier,
Naquit l’imbroglio ne générant que pleurs
Dans l’administratif labyrinthe piégé,
Où Lambda vient d’entrer.
Quand Lambda se débat, les murs sont virtuels,
L’adversaire diffus, et les textes introuvables.
Manège bien rodé qui promet des nouvelles,
Dans les plus brefs délais, « cherche des responsables ».
Insidieuses sont les règles qu’on nomme lois,
Pourtant si travaillées pour servir les seigneurs
Comme des boucliers, imparables, où parfois
Le simple citoyen n’est même plus acteur.
Lambda se sent floué.
Alors petit Lambda dit qu’on ne l’aura pas,
Qu’il a fait ce qu’il faut, contacté des alliés
En haut lieu, le Préfet. Pour partir au combat
De l’administration : Provision de papiers !
Il travaille la nuit sur des plans de bataille,
Surveille la canaille, met au point des accords
Qui seront refusés, rédige la mitraille,
Compulse et réfléchit, fort de n’avoir pas tort.
Petit Lambda guerroie.
Alors Monsieur Lambda, la tête bien dressée,
Pousse un cocorico, se révolte, il a mis
Les pieds dans l’engrenage. Quelle difficulté !
« On l’y reprendrait pas ! », tenez-vous le pour dit !
Il se débat plus fort, il décroche, interpelle,
Espère en ces courriers disant de patienter,
Qu’on s’occupe de lui. Toujours rien, il rappelle,
Il attend, tout le temps, nul n’a l’air concerné.
Et Lambda ne sait plus.
Il essaye au plus haut, tête de hiérarchie
Qui répond, très poli, de s’adresser plus bas,
Donne les imprimés, renvoie dans le circuit
Qu’il espérait quitter. Le moral n’est plus là.
Le temps lime l’espoir, il amenuise tout,
L’énergie diminue, la routine s’installe,
Un quotidien bien lourd nivelle les remous,
Phagocyte l’envie, les pulsions se ravalent
Quand petit Lambda pleure.
C’est un Lambda perdu, quête administrative
Où, tout inaccessible, il subit, impuissant,
Insoumis mais souffrant, les sièges et perspectives
Des garants qui s’affichent alliés des simples gens.
Bien avant le pouvoir, il a cru leurs ramages,
Lorsque de tous les droits, c’est celui de penser
Qu’y est le plus douloureux, bien loin de tout adage,
C’est ce qui est le plus grave, c’est qu’on doit contester.
Mais petit Lambda plie.
Il rêvait d’aventures et fut catapulté
Dans la jungle inouïe, dans des sables émouvants
Où, petit à petit, des démarches assurées
L’engluent de cellulose, irrémédiablement.
Mais rien ne peut tomber bien plus bas qu’au plus bas,
Alors, Petit Lambda, malléable à souhait,
Pourrait bien rebondir pour provoquer l’éclat
Des têtes du système, et tout éclabousser.
Petit Lambda n’est pas qu’un pion soldat de bois.
Et c’est comme pour tout, pour les petits Lambdas
De la France d’en bas, pour ceux qui, du pouvoir
S’avèrent les jouets, socle du patronat,
De l’Etat, et pourtant, …, travailleurs, …, sans espoir.
C’est un petit Lambda de la France d’en bas,
Impuissant, fatigué, de ceux qu’on ne voit pas.
Extrait de « Cahier N°8 : « PARCOURS AUTOPOÉTIQUE Quatrième période FACE MI-CLAIR MI-SOMBRE 4 »
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SACEM N°1487267