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UN MÉGOT DANS LA SEINE
Allez, une et deux et trois routes
Traversées dangereusement
Entre ces chiens de la déroute
Montrant leurs dents aveuglément.
Sur le quai les petits pavés,
D’une fine bruine mouillés,
Sonnent encore des pas lassés
De tous ces gens bien trop stressés.
On redescend les escaliers,
Faits de ces vieilles marches usées
De pas, de bottes ou de souliers
Divers, smokings ou bien capés ;
Des jeans usés, des jupes courtes,
Les uniformes, robes et volants ;
Des gens du peuple et hautes cours,
Des misérables et pleins d’argent.
Cette eau sale au long de la berge
Sinue entre les bords des rues
Peuplées de tessons qui émergent
Des murs de pierres mises à nues,
Les joints bouffés par la fumée,
Par les oxydes dégagés,
Et ces passants, sombres, attristés
Par l’impuissance, et mal armés
Pour supporter de ne pouvoir
Aimer autrui, sur les trottoirs.
Chaque lutte est par désespoir,
Par peur de rester dans le noir.
Rouge sang des combats anciens,
Et à venir, mettaient de la
Couleur sur le tableau des hyènes ;
Pinceaux contre fusils, Ta! Ta!
Une tache d’huile est, sur l’eau,
Rehaussée d’un sac en plastique
Évadé d’un de ces tuyaux
Où nous rejetons tout, cyniques.
Des vaguelettes sur la mousse
Qui, malgré notre trafic pousse
A nos pieds, calme et sans souci.
A qui regarde, elle sourit.
Intersection de Saint Louis,
Rassemblement calme des eaux,
Des poissons et tant de débris
Qui s’étaient séparés plus haut.
Fluide bien canalisé,
La Seine coule devant moi,
Entre nos lois et nos péchés,
Vers l’océan de nos « pourquoi ».
De magnifiques monuments
S’élèvent de l’autre côté.
Quelques péniches, lentement,
S’en vont bien plus loin accoster,
Passent sous tous les ponts voûtés,
Splendides témoins du passé,
Des tortures et des mains liées,
Des fastes de rois décédés.
Je suis assis, là, comme un con
Qui ne pourra rien y changer.
Je peux chanter sur un violon,
On n’entend plus l’amour couler.
Après des ans de témoignage,
Après des mois de privation,
Après des années de partage
Et après tant de sensations,
Il n’en peut plus, il aime
Trop la Vie, et il t’aime,
Mais toi, sur ce trottoir si blême,
Oserais-tu parler quand même ?
Saurais-tu partager, aimer,
Mais sans chichi, aimer vraiment ?
Saurais-tu juste regarder
Dans les yeux d’un simple passant ?
Toi qui me croises, que je n’ai pas
Rencontré dans mes yeux vois-tu
Qu’il n’est pas de serment, il y a
Seulement ton absence tu,
Tu as manqué à mes poèmes
Et à mes notes de guitare ;
Tu manques tant à mes « je t’aime » ;
Tu me manques et il se fait tard.
Je finis ma dernière blonde ;
La pluie qui tombe, la nuit revient.
Je pense à la terre féconde
Et jette un mégot dans la Seine.
Extrait de « Cahier N°2 : « PARCOURS AUTOPOÉTIQUE Première période FACE PLUS CLAIRE 1 »
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