Mathieu VIGNAL salue votre visite sur ASA-TEXTES
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Sociétaire SACEM N°1487267
LE COMPTOIR
(En collaboration avec de Patrick AZOULAY)
Acte XVII
(Dans un bistrot populaire.)
Un homme entre, il s’assoit et commande :
L’homme : – Gargotier ! Un plat du jour !
Gargotier : – Ça roule ! Et c’est qu’il le suis à l’odeur, le monsieur, l’plat du jour !
Gargotier le sert et retourne derrière son comptoir.
L’homme sent le plat, le re-sent.
Gargotier : – Qu’est ce qu’y a ? Un problème ?
L’homme : – Vous êtes sur qu’elles ont pas une petite odeur ?
Gargotier : – Eh, dis donc ! Chez moi c’est pas des andouillettes de supermarché, hein !
C’est la moutarde, que tu sens !
De la bonne moutarde forte de Dijon !
Mais tu dois pas pouvoir t’la payer chez toi !
C’est pour ça !
T’es pas habitué !
L’homme : – Non, …, je veux dire …
Gargotier monte le ton
Gargotier : – Vous voulez dire, …, la moutarde !
L’homme : – Non, …, enfin, …, je ne sais comment dire …
Gargotier monte encore le ton :
Gargotier : – Tu veux dire la moutarde !
Et moi je sens qu’elle me monte au nez, la moutarde !
Dis donc ! Tu t’fous d’ma gueule ?
L’homme : – C’est quoi, déjà, comme plat ?
Gargotier : – Des andouillettes de gibier sauce moutarde !
Le gibier il est dans la foret, à quatre pattes, on l’entend dans la foret le dimanche matin, et ma moutarde, c’est direction Dijon, R.N.7, de la vrai moutarde bien forte ! O.K. ?
C’est pas loin d’la Bourgogne où y a du très bon pinard !
L’homme : – Des andouillettes de gibier ! ?
C’est quoi, ça, andouillettes de gibier ?
Gargotier : – Mais, j’t’en pose, moi, des questions ?
J’te d’mand’ pourquoi t’as une tronche aussi con ?
J’te d’mande pourquoi entre une départementale et une vicinale y faut jamais prendre la départementale ?
J’t’emmerde, moi, avec des conneries pareilles ?
Tu sais mêm’ pas c’que c’est des andouillettes de gibier et tu la ramènes ?
Faut que j’te fasse un dessin ?
L’homme : – Euh, …, non !
Gargotier : – Bah ! Faut qu’on l’aim’ ce métier ! Quand on voit ça, …
C’est vraiment jeter du lard aux cochons !
L’homme : – Euh, …, du lard aux cochons ?
Euh, …, je ne comprends pas !
Gargotier : – Oooh !
C’est pas possible !
J’vais m’le faire !
Le microbe !
La demie portion !
C’est pas vrai !
J’vais me faire une gâterie !
J’te dis qu’c’est d’la moutarde !
L’homme : – Vraiment ?
Gargotier : – Ouais !
De la moutarde !
Avec des grains malaxés !
Tu sais c’que c’est, d’la moutarde ?
Elle est pas assez bien pour toi, ma moutarde ?
Elle te plaît pas, ma moutarde ?
J’te dis qu’c’est d’la moutarde !
L’homme : – Bon ! Bon !
Euh, …, d’accord !
Gargotier : – De la moutarde de gibier façon andouillettes !
Et puis, dis donc, tes agglomérés d’viande, les dix pour douze cinquante, quand tu vas dans ton supermarché pour fauchés, tu l’emmerdes pas l’épicière, quand t’y vas !
Hein !
Quand t’as des érections de boutons l’lendemain, tu les emmerde pas les patrons !
Alors !
Tu vas quand même pas nous gonfler avec mes andouillettes !
C’est du pur produit d’terroir, qu’ils appellent ça !
Tu sais c’que c’est qu’le terroir ?
Made in France !
N.F. !
Norme Française !
Eh, c’est marqué !
Tu veux voir l’étiquette ?
N.F. !
Silence.
Gargotier se retient, prend son souffle, se calme un peu :
Gargotier : – Enfin, puisque j’te dis qu’c’est la moutarde !
L’homme : – Vraiment ?
Gargotier pète les plombs :
Gargotier : – Ouais ! La moutarde !
Tu l’aimes pas, ma moutarde ?
Elle est pas assez bien pour toi, ma moutarde ?
Elle te plaît pas, …, ma moutarde ?
J’te dis qu’c’est la moutarde !
L’homme : – Bon !
D’accord ! C’est très bon !
C’est vraiment de la moutarde de gibier façon andouillettes!
… Euh, …, enfin, …, du, …, des, …,
enfin, c’que vous voulez !
… Mais c’est très bon !
… Et puis ce petit goût de faisandé ! …
… C’est vraiment des andouillettes de moutarde à la sauce gibier !
… Aucun doute !
… Si vous voulez !
Gargotier : – Bon ! A la bonne heure !
On sait prendre de bonnes résolutions !
Gargotier se tourne à part :
Gargotier : – Y va quand même pas m’mettre l’hygiène sur le dos, ce con !
Avec sa gueule de rat qui pue à trois kilomètres !
Y sont déjà venu quatre fois cette année et y m’lacheront plus, ces cons !
Avant on leur donnait des enveloppes ! Avec un muscadet, euh, après c’était on y r’tourne !
Puis j’étais tranquille !
Y r’sortaient bourrés ! Y z’avaient mill’ balles ! On les entendait partout !
…
Maint’nant y sont d’venus honnêtes ! Ou presque ! Y font ça à grande échelle !
Toutes les grandes surfaces leur donnent dix mill’ ball’s ! J’peux pas lutter !
… On appelle ça la concurrence !
… Putain !
Est c’que je vais voir, moi, c’qu’y mett’nt dans leurs assiettes, eux !
Silence.
Gargotier reprend, toujours à part :
Gargotier : – Avec tous les plats avariés que j’ai dû vendre depuis vingt ans pour faire mon beurre !
Merde, quoi !
Y vont quand mêm’ pas m’avoir maint’nant !
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