LE VIEUX

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LE VIEUX

Il marche à petits pas,
A côté de sa canne.

Il essuie le trottoir.

Ses pieds rythment le glas
D’un corps près de la panne,
Alors qu’il se fait tard.

Sur ses noires chaussures,
Il n’y a pas de pli.

Elles sont comme neuves.

Son corps droit, son air pur,

Sur son front des replis
Pleurent toujours sa veuve.

Comme l’éclair un jeune,
Échevelé barbu,
Le dépasse sans bruit,

Aussi maigre qu’un jeûne
Trop long et trop ardu.

Un instant, il a fui.

La poule qui balance
Un cul beaucoup trop lourd
Le croise maintenant.

Un joint de dépendance,
Une vie sans amour,
Une vue sur l’instant.

C’est la bouche crispée
D’une femme au regard
Jugeant tout un chacun ;

Ce sont des yeux légers
Qui masquent le retard
Au rendez-vous d’aucun.

Cet homme séduisant
Ne pense qu’à demain,
Ainsi qu’aux jours suivants.

Les cheveux dans le vent,
Il se sent incertain
Par trop de choix devant.

Voici le P.D.G.
Perdu dans ses factures,
L’esprit dans sa mallette
Et les chiffres avancés
Habillent sa pâture.

Il ne voit que sa quête.

Puis soudain, là, les flics
Surgissent d’un bouchon,
Toutes sirènes hurlantes.

Ils poursuivent, tactiques,
Des étudiants sans nom,
Calmes manifestants.

Quelques chiens, aux abois
Des voleurs trop absents
De jardins protégés,
Font entendre leur voix
Dans des cris détonants,

Percussions sans danger.

Un déclic, puis la porte
Vient claquer sourdement
Devant la cours privée,
A la lumière morte,
Automatiquement,

Gadget sophistiqué.

Les feuilles des platanes
Vont dans le caniveau
Vers les bouches d’égout,
Comme une triste manne
Qui suit un filet d’eau,
Tel un troupeau, tout doux.

Tiens, sur la branche vide
Un oiseau vient chanter
Vers un ciel nuageux
Couvrant des toits morbides,
Et qui semble posé
Sur des faîtes anguleux.

Le vieux lève les yeux
Vers où lui seul regarde
Ce cri bouffé du bruit,
Qui sort d’un corps plumeux,

Qui nous dit : « Prenez garde !,

Pensez-y, aujourd’hui. »

Puis les regards se croisent.

Ils se voient, ils sont seuls,

L’un dans l’œil pétillant
Et l’autre dans l’armoise
De son si vieil aïeul,

Tous deux se comprenant.

Il va à petits pas.

Le métro, sous ses pieds,
Fait vibrer le trottoir
Et vient rythmer le glas
D’un monde dépouillé
Par des brouillards trop noirs.

Extrait de « Cahier N°2 : « PARCOURS AUTOPOÉTIQUE Première période FACE PLUS CLAIRE 1 »

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SACEM N°1487267